Dans un arrêt du 13 juillet 2023 (CJUE, 13 juill. 2023, aff. C-87/22, TT), la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) interprète les règles de compétence en matière de responsabilité parentale applicables dans le cadre d'un déplacement illicite d'enfants.
En l’espèce, une famille slovaque s'installe en Autriche deux ans après la naissance de ses enfants en 2014, où les enfants ont fréquenté une crèche puis un établissement scolaire. Au cours de l’année 2017, tout en continuant à résider en Autriche, les enfants ont été scolarisés en Slovaquie, effectuant ainsi quotidiennement le trajet entre leur domicile en Autriche et leur nouvel établissement scolaire. Les enfants communiquent avec leurs parents et grands-parents en slovaque et ne connaissent que quelques mots en langue allemande.
À la séparation du couple en 2020, la mère retourne en Slovaquie avec les enfants, sans le consentement du père. Ce dernier dépose une demande de retour devant la juridiction slovaque et introduit, parallèlement, une action devant la juridiction autrichienne pour se voir confier la garde exclusive des enfants.
Parallèlement, la mère saisit la juridiction autrichienne pour qu'un transfert de compétence soit réalisé au profit de la juridiction slovaque à propos du droit de garde.
la Cour de justice de l'Union européenne saisie d'un renvoi préjudiciel à la demande de la juridiction autrichienne est invitée à répondre à la question suivante : la compétence relative à la responsabilité parentale peut-elle être transférée à la juridiction de l'État membre dans lequel l'enfant avait sa résidence habituelle à la suite d'un déplacement illicite ?
La Cour de justice de l'Union européenne répond par l'affirmative estimant que la juridiction autrichienne est donc compétente, en précisant les conditions de ce transfert.
En principe, pour tout litige relatif au droit de garde, le règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 , dit Bruxelles II bis, donne compétence à la juridiction de l'État membre dans lequel l'enfant a sa résidence habituelle au jour où cette juridiction est saisie. En l'espèce, il s'agit du juge slovaque.
Toutefois, en cas de déplacement illicite, la compétence demeure celle de la juridiction dans laquelle l'enfant avait sa résidence habituelle immédiate avant son déplacement. Soit, ici, le juge Slovaque.
Cependant, le règlement Bruxelles II bis permet à une juridiction saisie d’un litige sur le fond du droit de garde de le renvoyer au litige d’une autre juridiction sous certaines conditions. La question se posait de l’interprétation de ce texte dans le cadre d’un déplacement illicite.
La Cour de Justice juge que la compétence peut être transférée à la juridiction d'un État membre avec lequel :
- l'enfant a un lien particulier (ici la Slovaquie),
- si celle-ci est mieux placée pour connaître du litige,
- et lorsque le transfert répond à l'intérêt supérieur de l'enfant.
Ainsi, sous respect de ces trois conditions cumulatives, la la Cour de justice de l'Union européenne accepte de déroger aux règles de compétence applicables en matière de responsabilité parentale pour renvoyer le litige relatif au droit de garde au juge slovaque, bien que la Slovaquie soit l'État membre dans lequel les enfants ont été illicitement déplacés.