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L’audition de l’enfant en justice abordée par le dernier rapport du Défenseur des droits intitulé « L’enfant et sa parole en justice »

Le 29 novembre 2013
L’audition de l’enfant en justice abordée par le dernier rapport du Défenseur des droits intitulé « L’enfant et sa parole en justice »

A l'occasion de la journée internationale des droits de l'enfant, chaque 20 novembre, le Défenseur des droits et la Défenseure des enfants remettent un rapport thématique consacré aux droits de l'enfant au Président de la République ainsi qu’aux Présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat.

En cette année 2013, le rapport est consacré à « l’enfant et sa parole en justice ». 

« La parole est l’expression d’enfant victimes, d’enfant dont la famille éclate, d’enfants qui ont été témoins de faits interdits et qui, tous, sont ébranlés par une épreuve personnelle » comme l’indique Marie Derain, Défenseure des enfants.

« Chaque année, des milliers d’enfants sont à un titre ou un autre confrontés à la justice de notre pays. Soit il s’agit de procédures de divorce où malheureusement l’enfant devient trop souvent un enjeu pour les parents en conflit, soit il s’agit d’enfant victimes ou encore de ceux qui ont été témoins d’actes répréhensibles. Leurs paroles sont recueillies et deviennent des éléments parfois déterminants dans la décision judiciaire qui sera finalement prise » selon Dominique Baudis, Défenseur des droits. 

Le rapport établi par le Défenseur des droits et la Défenseure des enfants dressent un état des lieux sur la parole de l’enfant en justice et font diverses propositions pour que la parole de l’enfant - qu’il soit victime, témoin ou auteurs d’actes délictueux- soit bien prise en considération par les différents acteurs de la justice et ce, que ce soit dans le cadre d’une procédure civile ou pénale.

L’audition de l’enfant par le juge dans les procédures de divorce ou de séparation de ses parents

 

En l’état actuel du droit, l’enfant capable de discernement peut être entendu par le juge, étant précisé que cette audition est de droit lorsque l’enfant en fait la demande comme le précise l’article 388-1 du Code Civil.

 

Cette demande est fréquente auprès du Juge aux Affaires Familiales lors du divorce ou de la séparation des parents.

 

Les auteurs du rapport regrettent d’avoir constaté une inégalité de traitement des enfants qui demandent à être entendus par le juge dans les procédures de divorce de leurs parents dans la mesure où si les magistrats entendent sans difficultés les enfants à partir de l’âge de 10-11 ans en revanche, cela est beaucoup plus rare dans le cas d’enfants plus jeunes. Marie Derain précise , à ce titre, que cela peut être préjudiciable alors même que l’enfant veut être auditionné par le juge pour indiquer avec quel parent il souhaite vivre après le divorce ou la séparation de ses parents.

 

L’une des propositions de la Défenseure des enfants consiste à reconnaitre une présomption de discernement à tout enfant qui demande à être entendu par le juge dans une procédure qui le concerne, indépendamment de son âge. Il incomberait ensuite au magistrat d’apprécier le discernement de l’enfant, c’est-à-dire d'estimer si l’enfant est suffisamment mature pour que son avis soit pris en compte.

 

L’audition de l’enfant victime

 

Les enfants victimes ont besoin d’un soutien individuel, juridique et psychologique tout au long du parcours judiciaire. En France, plusieurs unités d’assistance à l’audition ont été créées rassemblant dans un lieu unique une équipe pluridisciplinaire de professionnels formés à l’écoute de l’enfant victime, au recueil et à l’enregistrement de sa parole et aux éventuels examens médicaux nécessaires à la procédure.

 

C’est pourquoi le rapport prône la mise en place sur tout le territoire des unités d’assistance à l’audition fin d’offrir aux enfants victimes la garantie d’être auditionnés et accompagnés par des professionnels : policier, gendarme, médecin, dans les meilleures conditions psychologiques et juridiques.

 

L’article 706-52 du Code de Procédure Pénale issu de la loi du 17 juin 1998 impose que l’audition du mineur victime soit filmée. De telles dispositions sont destinées à éviter à l’enfant de répéter ses déclarations à plusieurs reprises tout au long de la procédure judiciaire et devant plusieurs interlocuteurs au risque qu’elles soient déformées.

 

Au cours de leur enquête, les auteurs du rapport se sont aperçus que bien que ces enregistrements étaient mis à la disposition des magistrats, des experts et des avocats pouvant les regarder à tout moment de la procédure, la loi reste muette quant aux obligations de visionnage. En réalité, il apparait que ces enregistrements ne sont que très rarement consultés par les professionnels auxquels ils sont destinés.

 

C’est pourquoi, la Défenseure des enfants pense qu’il est nécessaire d’engager à l’échelle nationale une évaluation de l’utilisation effective des enregistrements des auditions de mineurs victimes par les professionnels auxquels ils sont destinés, de favoriser leur consultation et de mettre en valeur les informations qu’ils apportent.

 

L’audition de l’enfant témoin

 

Au cours de leur enquête et après avoir analysé de nombreuses plaintes parmi celles qui affluent chaque année au service des réclamations du Défenseur des droits, les auteurs du rapport se sont également aperçus que les enfants témoins d’un délit ou d’un crime ne bénéficiaient d’aucune garantie procédurale lors de leurs auditions dans les commissariats de police. Ils peuvent y rester plusieurs heures, sans que leurs parents soient prévenus, et sans être assistés par un avocat.

 

Selon Marie Derain, il est donc impératif d’octroyer à l’enfant témoin un statut juridique précis qui prenne en compte sa vulnérabilité due à sa minorité, étant précisé que ce statut serait réservé aux enfants témoins des affaires les plus graves.

 

Le statut de la fonction d’administrateur ad hoc

 

L’administrateur ad hoc est un mandataire désigné par un juge ou une autorité judiciaire à l’effet de représenter ou assister un mineur qui se trouve en conflit d’intérêts avec le ou les titulaires de l’autorité parentale (père ou mère) ou bien se trouve isolé (en l’absence de parent) ou bien encore en cas de défaut de diligence du représentant légal du mineur.

 

Le rôle de l’administrateur ad hoc consiste à assurer d’une part la protection des intérêts du mineur et d’exercer, s’il y a lieu, au nom de celui-ci, les actions juridictionnelles nécessaires avec l’assistance d’un avocat.

 

Le statut actuel de la fonction d’administrateur ad hoc ne permet pas toujours de rendre totalement effectif le droit d’assistance et de représentation de l’enfant dans les procédures judiciaires qui le concernent (par exemple, enfant victime de violence de la part de l’un ou l’autre de ses parents).

 

Les auteurs du rapport recommandent de compléter le statut actuel de l’administrateur ad hoc afin de clarifier ses missions, de renforcer sa formation, son indépendance et ses obligations.

 

Il est également suggéré de sensibiliser les magistrats à la nécessité de modifier leurs pratiques de recours aux administrateurs ad hoc : délai de désignation, précision de la mission, obligation de rencontrer l’enfant afin que celui-ci accède rapidement et pleinement à sa représentation effective et à ses droits.


Une justice « adaptée » aux enfants

 

Le rapport insiste également sur la nécessité de promouvoir activement auprès des enfants et des adolescents des éléments d’information et de compréhension d’une « justice adaptée aux enfants » afin qu’ils soient en mesure de connaitre les processus judiciaires, les droits qui sont les leurs, la façon de les exercer et les accompagnements dont ils peuvent bénéficier.

A cet égard, les auteurs du rapport conseillent notamment de fournir à tout enfant confronté au monde judiciaire une information claire et adaptée sur ses droits, la justice et son fonctionnement en lui remettant un fascicule pédogogique adapté à son âge et son degré de maturité.