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Appréciation souveraine des juges du fond de la notion de résidence habituelle au sens du règlement Bruxelles II bis

Le 11 février 2023
Appréciation souveraine des juges du fond de la notion de résidence habituelle au sens du règlement Bruxelles II bis

La Cour de cassation, dans un arrêt du 30 novembre 2022 (Civ. 1ère, 1re civ., 30 nov. 2022, pourvoi n° 21-15.988), a été amenée à se prononcer sur la notion de résidence habituelle au sens du règlement (CE) n° 2201/2003, dit Bruxelles II bis, portant sur la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale.

En l'espèce, un couple, tous deux de nationalité belge, s'est marié en Belgique en 1982. La femme a déposé une requête en divorce en 2020 auprès d'un juge aux affaires familiales français, requête qui est accueillie par le juge français et confirmée par la cour d'appel. Estimant que les juridictions belges étaient compétentes, le mari a formé un pourvoi.

En visant l'article 3, § 1 sous a) du règlement (CE) n° 2201/2003, la Cour de cassation l'a débouté. À noter que la solution retenue serait la même avec le nouveau règlement Bruxelles II ter applicable depuis le 1er août 2022.

S'appuyant sur la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne qui a précisé la notion de résidence habituelle au sens de ce règlement (CJUE, 25 nov. 2021, aff. C-289/20 ), les juges du droit rappellent les deux éléments permettant de caractériser la notion de résidence habituelle, à savoir :
- « [la] volonté de l'intéressé de fixer le centre habituel de ses intérêts dans un lieu déterminé et (…)
- [une] présence revêtant un degré suffisant de stabilité sur le territoire de l'État membre concerné (point 57), l'environnement d'un adulte étant de nature variée, composé d'un vaste spectre d'activités et d'intérêts, notamment professionnels, socioculturels, patrimoniaux ainsi que d'ordre privé et familial, diversifiés (point 56) ».

Cette notion de résidence habituelle des époux est autonome du droit de l'UE. Elle doit être appréciée souverainement par les juges du fond, ce que confirme la Cour de cassation.

En l'espèce, bien que le conjoint ait présenté des arguments intéressants justifiant selon lui une résidence habituelle en Belgique comme la perception d'allocations de chômage, le paiement de leurs impôts, leur rattachement à la sécurité sociale, etc. en Belgique, permettant de déterminer que la Belgique constituait le centre de leurs intérêts administratifs et financiers, la Cour de cassation rejette son pourvoi et confirme l'appréciation souveraine de la cour d'appel.

Les juges du fond avaient relevé que les époux s'étaient installés dans leur résidence située en France à partir de juin 2018, jusqu'alors « assurée en tant que résidence secondaire (…) [et] désormais assurée sans précision particulière », y avaient réalisé « des travaux d'entretien et de réparation », et y avaient effectué « la quasi-totalité de [leurs] dépenses courantes (…) où [ils avaient] développé un réseau relationnel et amical » (pt 8).

Ainsi, tout en relevant que les époux « avaient conservé des intérêts administratifs et financiers » en Belgique, la Cour de cassation estime que la cour d'appel en a néanmoins « souverainement déduit que, à partir du mois de juin 2018, [les époux] avaient eu la volonté de fixer [en France] le centre habituel de leurs intérêts en y menant une vie sociale suffisamment stable, de sorte que leur résidence habituelle au sens du texte précité se trouvait en France » (pt 10).

In fine, la Cour de cassation confirme la compétence des juges du fond pour apprécier souverainement la notion de résidence habituelle au sens du règlement Bruxelles II bis.

Estimant, en outre, qu'il n'y a pas de « doute raisonnable », en l'espèce, « quant à l'interprétation du droit de l'Union européenne », elle conclut qu’ « il n'y a pas lieu de saisir la Cour de justice d'une question préjudicielle » (pt 12).