Vous êtes ici : Accueil > Actualités > La Suisse condamnée par la CEDH pour discrimination fondée sur le sexe

La Suisse condamnée par la CEDH pour discrimination fondée sur le sexe

Le 14 octobre 2022
La Suisse condamnée par la CEDH pour discrimination fondée sur le sexe

La Cour européenne des droits de l’homme vient de condamner la Suisse pour stéréotype de genre discriminatoire dans une décision du 11 octobre 2022 (CEDH gde ch., 11 oct. 2022, n° 78630/12, Beeler c. Suisse).

La présente décision concerne une allégation de discrimination découlant de la loi fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants (« la LAVS »). Le requérant se dit victime, en tant que père s’occupant seul de ses enfants après le décès de son épouse, d’une discrimination par rapport aux mères qui assument seules la charge de leurs enfants, car il n’aurait plus droit à une rente de veuf depuis que sa fille cadette a atteint la majorité.

Dans un arrêt du 20 octobre 2020 (CEDH, 20 oct. 2020, n° 78630/12 : JurisData n° 2020-017275), la Cour de Strasbourg avait conclu à la violation de l'article 14 de la Convention EDH (principe de non-discrimination), combiné avec l'article 8 (respect de la vie privée et familiale). Le Gouvernement suisse avait dès lors sollicité un renvoi de l'affaire devant la Grande chambre.

La grande chambre de la CEDH confirme une décision de 2020 en affirmant que la Suisse ne saurait se prévaloir de la présomption selon laquelle l'époux entretient financièrement son épouse (concept du « mari pourvoyeur ») afin de justifier une différence de traitement qui défavorise les veufs par rapport aux veuves.

À la mort de son épouse, un homme perçoit une allocation de veuvage destinée à l'accompagner dans la garde et l'éducation de ses enfants mineurs. La loi suisse accorde en effet aux hommes le droit de percevoir cette rente jusqu'à la majorité du dernier enfant, contrairement aux femmes qui peuvent en bénéficier au-delà. Cette différence de traitement serait justifiée dans le pays par une réalité sociale selon laquelle l'époux assure l'entretien financier de son épouse et de ses enfants (concept du "mari pourvoyeur").

En application de cette législation, la Caisse cantonale de compensation met fin au paiement de la rente au père survivant, lequel forme un recours pour atteinte au principe d'égalité. Le veuf prétend être victime d'une discrimination fondée sur le sexe. Après épuisement des voies de recours internes, il introduit sa requête devant la Cour européenne des droits de l’homme.

Le 11 octobre 2022, la Grande chambre de la Cour européenne des droits de l’homme confirme la décision de 2020 jugeant que la législation suisse perpétue des préjugés et des stéréotypes relatifs au rôle des femmes dans la société et rappelle que la progression vers l'égalité des sexes est un objectif important que se doivent de partager tous les membres du Conseil de l'Europe.

La législation suisse prévoyant la suppression de la rente de veuf des hommes, à la majorité de leur dernier enfant est discriminatoire.