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Le congé délivré par le bailleur en vue de vendre le logement

Le 22 mai 2015
Le congé délivré par le bailleur en vue de vendre le logement
Le propriétaire peut donner congé au locataire pour vendre le logement qu'il occupe. Le congé vaut alors offre de vente au profit du locataire qui bénéficie dès lors d’un droit de préemption institué par l'article 15, II de la loi du 6 juillet 1989 et qui peut se porter acquéreur dans certains délais. Le congé donné au locataire doit respecter un formalisme précis. Vous trouverez en annexe un modèle de congé de vendre téléchargeable.
 
Le propriétaire peut aussi vendre le logement occupé en cours de bail sans en informer le locataire et sans lui donner congé. Dans ce cas-là, le locataire ne bénéficie d’aucun droit de préemption.
 
Pour vendre les locaux libres de toute occupation, le bailleur doit donner congé au locataire, congé qui ne peut être donné que pour le terme du bail et qui permet ainsi d’éviter la reconduction tacite du bail.
 
Un tel dispositif ne s’applique qu’aux locaux à usage d’habitation principale et à usage mixte d’habitation principale et professionnelle régis par la loi du 6 juillet 1989.
 
I - Les cas d’exclusion du droit de préemption
 
L'article 15, II, en son dernier alinéa, prévoit expressément deux cas d'exclusion du droit de préemption du locataire alors que les conditions en sont réunies.
 
Le premier concerne la vente entre proches parents. Dans le texte initial, les ventes entre parents jusqu'au quatrième degré permettaient d'échapper au droit de préemption. La loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi ALUR a rabaissé le seuil au troisième degré. Ainsi, il n'y a pas de droit de préemption concernant les "actes intervenant entre parents jusqu'au troisième degré inclus, sous la condition que l'acquéreur occupe le logement pendant une durée qui ne peut être inférieure à deux ans à compter de l'expiration du délai de préavis".
 
La seconde précision concerne l'obligation pour l'acquéreur d'occuper le logement pendant une durée qui ne peut être inférieure à deux ans à compter de l'expiration du délai de préavis. Par expiration du délai de préavis, il faut entendre l'expiration du délai de six mois, cette expiration se situant au terme du contrat.
 
Le congé qui n'ouvre pas de droit de préemption doit respecter les conditions classiques de forme, de délai, de recevabilité communes à tous les congés. Il doit également mentionner qu'il est donné dans l'intention de vendre. La seule différence avec le congé avec droit de préemption et qu'il ne s'accompagne pas d'une offre de vente et n'a pas à reproduire les cinq premiers alinéas de l'article 15, II de la loi.
 
II - Le mécanisme du droit de préemption
 
Le droit de préemption du locataire, en cas de vente du logement loué, est provoqué par le congé que le bailleur lui notifie à cette fin. Ce congé, en plus de son rôle traditionnel qui est de manifester la volonté du bailleur de mettre fin aux relations issues du contrat de location, vaut offre de vente pendant un certain délai, durant lequel le locataire dispose de l'option entre accepter ou refuser
 
A. - Notification d'un congé valant offre de vente
 
1- Forme et délai du congé
 
Le congé doit être notifié par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou signifié par acte d'huissier dans un délai de six mois qui court à compter du jour de la réception de la lettre recommandée ou de la signification de l'acte d'huissier (L. n° 89-462, 6 juill. 1989, art. 15, I, al. 2).
 
La loi ALUR n° 2014-366 du 24 mars 2014 a assoupli ce formalisme en permettant au bailleur comme au locataire, à côté de la notification par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou de la signification par acte d'huissier qui demeurent, la remise du congé en main propre contre récépissé ou émargement. Dans ce cas, le délai de préavis court à compter de la remise en main propre.
 
Cette nouvelle disposition ne s'applique pas aux baux en cours en application de l'article 14 de la loi ALUR. 
 
2- Auteurs et destinataires du congé
 
Les indivisaires ne peuvent notifier un tel congé qu'avec l'accord unanime de tous les indivisaires et l'usufruitier doit obtenir l'accord du nu-propriétaire.
 
En cas de pluralité de locataires, chacun d'eux bénéficie du droit de préemption ; un congé doit donc leur être notifié. De même, en cas de vente d'un immeuble servant à l'habitation des deux époux, chacun d'eux bénéficie d'un droit de préemption aux conditions fixées par le propriétaire. Le congé doit être notifié à chacun des bénéficiaires qui disposent alors du droit d'acquérir sans être tenus d'agir en commun.
 
3 - Contenu du congé
 
Le congé pour vente est assujetti à un formalisme important qui, s’il n’est pas respecté, peut entraîner sa nullité.
 
Le contenu du congé est fonction du caractère ambivalent de celui-ci, en ce sens qu'il vaut, à la fois, congé et offre de vente, que réunit un lien d'indivisibilité ; l'annulation du congé entraîne donc automatiquement celle de l'offre de vente, d’où l’importance de respecter le formalisme imposé par la loi.
 
Le congé doit donc indiquer le prix et les conditions de la vente projetée (L. n° 89-462, 6 juill. 1989, art. 15, II, al. 1). Il doit, en outre, comme chaque notification opérée en application de l'article 15, II, reproduire un certain nombre de dispositions de cet article, le tout à peine de nullité. Mais avant tout, il doit contenir des précisions sur l'objet de la vente.
 
a- Objet de la vente
 
L'objet de la vente doit être déterminé et correspondre en tout point à ce qui a été donné à bail. Le bailleur ne pourrait offrir au locataire d'acheter une partie seulement des locaux loués, par exemple l'appartement mais pas le garage.
 
Le congé doit identifier très précisément l'objet de l'offre et ne peut se contenter de mentionner qu'elle porte sur "les locaux compris dans la location" ou sur "la maison louée suivant le bail". De même a été déclarée nulle une offre portant sur "l'appartement et ses accessoires", sans plus de précisions.
 
De ce que l'offre doit correspondre en tous points au bien loué, la jurisprudence sanctionne avec rigueur tous les congés qui, soit sont imprécis, soit proposent à la vente des accessoires qui n'étaient pas compris dans le bail, soit au contraire soustraient certains accessoires que le bailleur entend conserver. Il convient donc d’être vigilant et éviter toute discordance entre le bien loué et le bien offert à la vente.
 
De nombreux exemples peuvent être donnés de congés annulés de la sorte : lorsque le congé ne mentionne pas la cave, non indiquée dans le contrat mais néanmoins mise à la disposition du locataire ou lorsqu'il ne désigne pas les dépendances, qui sont pourtant expressément incluses dans le bail.
 
b - Prix de la vente
 
Élément essentiel de la vente, le prix doit être fixé dans l'offre faite au locataire. Il est évidemment laissé à la discrétion du propriétaire, sous réserve de l'appréciation par les juges du fond de son caractère sérieux. Il doit s’agir d'un prix ferme et non d'un "prix à débattre" qui équivaut à une absence de prix.
 
Jugé également que lorsqu'il existe une incertitude quant à la charge des frais notariés (tantôt stipulés supportés par le vendeur, tantôt stipulés supportés par l'acheteur), il en résulte une incertitude du prix de la vente projetée.
Une même incertitude existe et entraîne la nullité du congé lorsque le prix est mentionné "hors commission" et que le locataire ignore son montant et la personne chargée de la payer.
 
En revanche, il n'a pas à mentionner les frais de la vente dont le montant est supposé connu.
 
c- Conditions de la vente
 
Par "conditions de la vente", il faut entendre non seulement les conditions essentielles de la vente, mais toutes les conditions de la vente susceptibles de constituer des avantages particuliers pour l'acquéreur (délai de paiement du prix, taux d'intérêts dus sur la partie du prix non payé comptant) et, d'une manière générale, toutes les charges ou réserves diverses qui affectent la transmission. C'est pourquoi le congé délivré par le bailleur doit être déclaré nul dès lors que l'offre de vente, portant sur une dépendance, décrit le bien offert à la vente mais ne comporte aucune précision quant aux conditions d'aménagement d'un accès indépendant ou d'une servitude de passage au bénéfice du locataire acquéreur, alors que le bien loué est enclavé au sein d'un jardin.
 
Le congé notifié en application de l'article 15, II de la loi du 6 juillet 1989 ne doit pas obligatoirement mentionner la superficie du logement.
 
d - Reproduction des cinq alinéas précédents de l'article 15, II
 
L'alinéa 6 de l'article 15, II, impose que, dans chaque notification (donc dans celle du congé), les “termes des cinq alinéas précédents” soient reproduits à peine de nullité.
La jurisprudence a décidé que la reproduction faite dans une annexe du congé et non dans l'acte lui-même est valable .
 
e - Sanction des mentions imposées
 
La loi impose, à peine de nullité du congé, l'indication du motif invoqué (art. 15, I), la mention du prix et des conditions de la vente (art. 15, II, al. 1), la reproduction des termes des cinq alinéas précédents (art. 15, II, al. 6).
 
Mais la portée de cette sanction est très atténuée par la position adoptée par la jurisprudence selon laquelle, en principe, la nullité n'est encourue que si le locataire, qui l'invoque, rapporte la preuve que l'irrégularité commise lui a causé un grief. Cette solution est fondée sur l'application de l'article 114 du Code de procédure civile ce qui revient à dire que le congé est soumis aux règles prescrites pour les actes de procédure.
 
4 - Effets du congé
 
Le congé vaut offre de vente au profit du locataire.
 
Les effets du congé, assorti du droit de préemption, sont également ambivalents comme l'est le congé lui-même. En tant que congé, celui-ci a pour effet d'entraîner, à l'expiration du délai de préavis, la déchéance de plein droit de tout titre d'occupation sur le local du locataire qui n'a pas accepté l'offre de vente (L. n° 89-462, 6 juill. 1989, art. 15, II, al. 2). En tant qu'offre de vente au profit du locataire, il ouvre à celui-ci un délai pour l'accepter. Aux termes, en effet, de l'article 15, II, alinéa 1er, cette “offre est valable pendant les deux premiers mois du délai de préavis”. Elle doit donc être maintenue pendant toute la durée de ce délai. Aucune rétractation n'est possible de la part du bailleur.
 
Il en résulte que le bailleur n'a pas le droit de délivrer un deuxième congé avec un autre motif avant.
En pratique, les bailleurs donnent fréquemment congé plus de six mois avant le terme du bail, afin d'éviter la sanction d'un congé tardif. De tels congés sont valables et voient simplement leurs effets reportés à la date pour laquelle ils auraient dû être donnés.
 
Si le bailleur peut délivrer des congés prématurés, cette anticipation n'a pas pour effet de faire remonter dans le temps le délai légal d'acceptation de l'offre. Les deux premiers mois du délai de préavis pendant lesquels les locataires peuvent préempter doivent nécessairement être calculés en fonction de la date d'expiration du contrat.
 
B - Options ouvertes au locataire
 
Le locataire dispose essentiellement de l'option entre accepter l'offre contenue dans le congé ou la refuser expressément ou tacitement.
 
a - Forme de l’acceptation
 
L'acceptation de l'offre de vente par le locataire, prévue à l'article 15, parapgraphe 2 de la loi du 6 juillet 1989, peut être adressée tant au bailleur qu'au notaire.
 
L'article 15, II de la loi du 6 juillet 1989 ne précise pas en quelle forme l'acceptation du locataire doit se manifester.
 
Il n'est pas douteux qu'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception est suffisante.
 
L'acceptation de l'offre de vente par le locataire, prévue à l'article 15, parapgraphe 2 de la loi du 6 juillet 1989, peut être adressée tant au bailleur qu'au notaire. L'acceptation adressée au notaire par lettre simple est donc régulière en l'espèce.
 
b - Effets de l’acceptation
 
L'acceptation par le locataire de l'offre de vente que propose le congé produit trois effets.
 
Le premier de ces effets est d'ouvrir le délai de réalisation de l'acte de vente. Ce délai, qui court à compter de la date d'envoi de la réponse du locataire au bailleur, est de deux mois. Il s'agit d'un délai préfix.
Le second effet de l'acceptation du locataire est d'entraîner la prorogation du contrat de location jusqu'à l'expiration du délai de réalisation de la vente (art. 15, al. 3).
 
Le troisième effet que produit l'acceptation est de rendre la vente parfaite.
 
c - Si le locataire n’accepte pas l’offre
 
Si le locataire n'accepte pas l'offre, que ce soit expressément, ou tacitement en laissant passer le délai pendant lequel elle était valable, il est considéré comme ayant renoncé à son droit de préemption qui se trouve ainsi "purgé".
 
Le locataire qui n'accepte pas l'offre, est "déchu de plein droit de tout titre d'occupation sur le local". Cette déchéance prendra effet à la date d'expiration du délai de préavis. Devenu occupant sans droit ni titre, le locataire devra libérer les lieux ; Il ne pourrait se maintenir dans les lieux jusqu'à ce que la vente devienne effective au profit d'un tiers.
 
Enfin, pour éviter la déchéance de son titre locatif, le locataire peut toujours contester la validité du congé. Cette contestation, qui ne suspend pas le délai d'acceptation de l'offre de vente.
 
Le congé peut être contesté pour les raisons de forme, de non-respect du délai de préavis exposées. Des raisons de fond peuvent également être mises en avant, comme la fraude du bailleur qui génère un important contentieux.
 
Est ainsi frauduleux le congé pour vendre qui ne correspond pas à la réalité des intentions du propriétaire. Ce dernier cherche en fait à mettre fin au bail pour des raisons diverses et variées : une mésentente avec son locataire ; une volonté de relouer avec un loyer plus élevé ou encore le désir de mettre le bien à la disposition d'une personne qui n'est pas bénéficiaire de par la loi d'un droit de reprise. Dans tous ces cas, la manœuvre la plus couramment utilisée pour frauder les droits du locataire consiste à lui proposer d'acquérir à un prix dissuasif.
 
Au titre des indices caractéristiques d'une fraude, il y a le prix excessif proposé par le bailleur. La difficulté est de déterminer le seuil au-delà duquel le prix est considéré comme manifestement exagéré par rapport à la valeur vénale du bien. En effet, la surestimation du prix peut être l'effet d'une "ambition excessive" du bailleur selon la formule utilisée par la cour de Paris dans un arrêt. Toutefois, il ne peut être reproché à un bailleur de mettre en vente son immeuble à un prix supérieur à celui du marché et de "vouloir vendre au meilleur prix". La jurisprudence est très variable sur ce point.
 
En ce cas, c'est la possibilité offerte au locataire d'exercer un droit de préemption subsidiaire qui constituera la sanction de ce qui est simplement une erreur du bailleur.
 
D'autres indices tirés du comportement général du bailleur viennent souvent corroborer cette fraude. Il en est ainsi : lorsque le bailleur n'a jamais pris les dispositions nécessaires pour faire visiter l'immeuble aux candidats acquéreurs ou lorsque la publicité a cessé dès le départ du locataire, et que le logement a été ensuite reloué à un prix bien supérieur.
 
d - Sanctions du congé frauduleux
Les juges ont tendance à octroyer de préférence des dommages-intérêts, plutôt que d’ordonner la réintégration du locataire dans les lieux.
 
La loi ALUR n° 2014-366 du 24 mars 2014 a eu pour objectif de renforcer la lutte contre les congés frauduleux. A cette fin, elle a renoué avec le dispositif adopté en son temps par la loi du 22 juin 1982 en instaurant une sanction pénale. L'article 15-IV nouveau de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 prévoit que :
Le fait pour un bailleur de délivrer un congé justifié frauduleusement par sa décision de reprendre ou de vendre le logement est puni d'une amende pénale dont le montant ne peut être supérieur à 6 000 € pour une personne physique et à 30 000 € pour une personne morale.
 
Le montant de l'amende est proportionné à la gravité des faits constatés. Le locataire est recevable dans sa constitution de partie civile et la demande de réparation de son préjudice.
 
C. - Droit de préemption subsidiaire
 
Le droit de préemption, que l'on peut qualifier de subsidiaire, mis en place par la loi du 21 juillet 1994 (L. n°89-462, 6 juill. 1989, art. 15, II, al. 4), remplace à compter du 1er janvier 1995 le droit de substitution prévu par le même alinéa de cet article. Il est appelé, comme ce dernier, à jouer dans le cas où le propriétaire décide de vendre à des conditions ou à un prix plus avantageux pour l'acquéreur que ceux prévus dans l'offre de vente. L'objectif visé est "d'offrir une nouvelle chance au locataire".
 
Dans l'éventualité où le propriétaire décide de vendre à un tiers à des conditions ou à un prix plus avantageux, ce prix ou ces conditions doivent être notifiés au locataire soit par le bailleur, soit par le notaire (si le bailleur n'y a pas préalablement procédé). Cette notification est imposée à peine de nullité de la vente. Effectuée soit à l'adresse indiquée par le locataire au bailleur, soit à l'adresse des locaux dont la location avait été consentie, elle vaut offre de vente au profit du locataire et est valable pendant une durée d'un mois à compter de sa réception.
 
Si le locataire accepte l'offre, il dispose, à compter de la date de l'envoi de sa réponse au bailleur ou au notaire, d'un délai de deux mois pour la réalisation de l'acte de vente. Ce délai est porté à quatre mois si le locataire notifie son intention de recourir à un prêt. Si à l'expiration de ce délai, la vente n'est pas réalisée, l'acceptation de l'offre de vente est nulle de plein droit.

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